jeudi 9 mars 2017

Godless (Bulgarie/Danemark) 12e Festival du film d'Europe centrale et orientale, Rouen, 3-12 mars 2017

     Avec Godless, Ralitza Petrova nous emporte dans ce que l'on pourrait prendre pour une descente aux enfers ou au moins au purgatoire, sauf qu'ici, l'enfer c'est le monde réel, celui des grands ensembles décrépits, de leurs habitants abandonnés et des zones industrielles en deshérence d'une ville bulgare dans l'après-communisme.
     Dans ce monde "sans-dieu" (c'est le titre du film), Gana s'occupe de personnes âgées atteintes de démence et revend leurs papiers d'identité à la mafia locale, qui s'en sert pour monter des opérations de blanchiment dans des paradis fiscaux. La morphine l'aide à supporter sa vie, jusqu'à ce qu'elle découvre la magie des chants de la liturgie orthodoxe, enseignés par Yoan, un de ses nouveaux patients.
     On pourrait reprocher à ce film sa structure très "religieuse" : on commet une faute, on se repent, on est puni… Sauf qu'ici, Dieu est aux abonnés absents, comme le rappelle un des personnages évoquant l'histoire de villageois attaqués par de envahisseurs qu'un prêtre emmène au sommet de la montagne afin qu'ils soient plus près de Dieu et donc sous sa protection. Aucun n'en réchappa.
     De ce point de vue, ce film peut faire penser (entre autres) au Christ s'est arrêté à Eboli, de l'italien Francesco Rosi : même désespérance, même apathie des populations concernées qui croient trouver leur salut dans des solutions individuelles à base de petites combines au détriment de leurs voisins. Dans l'un et l'autre cas, soumission et désespérance semblent être les seuls mots d'ordre.
     Outre sa structure narrative, le film de Ralitza Petrova présente un véritable intérêt documentaire par ce qu'il montre du cadre de vie des habitants, et, plus loin encore, par le constat sans concession qu'il dresse de l'échec de la démocratie et de l'État de droit dans la Bulgarie post-communiste, problème très actuel en Europe de l'Est et qui alimente la montée des partis populistes.
     Par le biais du passé de Yoan, le film évoque également le passé douloureux de la Bulgarie, en particulier les purges staliniennes (et plus récentes encore).
     Enfin, et ce n'est pas son moindre mérite, il révèle par petites touches l'ampleur de la corruption  qui semble gangrener tout l'appareil d'État, à tous les échelons. Un peu comme dans Soleil trompeur de Nikita Mikhalkov, il faudra attendre la séquence finale pour prendre conscience de l'ampleur du phénomène et mesurer toute son horreur.
     Un coup de chapeau à Irena Ivanova pour son jeu d'une grande sobriété, et au chœur orthodoxe pour la sublime (mais bien trop brève) bande-son.


Pour suivre l'actualité du festival : http://www.alest.org/fr/a-lest-nouveau/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire